Ce slogan témoigne de la popularité de Khelif et du langage politico-religieux emprunté par le mouvement citadin de protestation. Mais ils furent contraints de céder et Kairouan devint capitale. Mieux, l’ex-Gouverneur de Kairouan, de Sousse et de Nabeul deviendra, après son expérience carcérale, directeur de prison, avant de se retrouver imam de la Mosquée de sa ville natale, Béni Khalled au Cap-Bon. Il est ainsi l’adepte et le continuateur de cette méthode littéraliste et de cette idéologie conservatrice qui rompt avec l’effort d’interprétation du Texte ou ijtihâd. Par là, on entrevoit la logique politique implacable animant l’imam Khelif, que le pouvoir finira, plus tard, par saisir et exploiter. Elle abritait une bibliothèque contenant des manuscrits, des enluminures du Coran, des traités de fiqh et des ouvrages historiques et scientifiques. 50Une telle décision greffée sur une situation explosive allait déboucher sur l’émeute populaire. La Grande Mosquée de Kairouan (Tunisie) (Yann Arthus-Bertrand/Corbis Introduction Au VII e siècle, une troisième religion monothéiste (croyance en un seul dieu) apparaît dans la péninsule arabique : … Il existe ainsi, à travers l’histoire, une tradition de révoltes urbaines à Kairouan de même qu’il existe une tradition de la répression et de la récupération qui n’ont fait que renforcer l’autorité de l’État et marginaliser le statut de la ville sainte. Nhésitez pas à envoyer des suggestions. L’imam Khelif est plutôt dans un entre-deux : entre le ‘alim disparu à jamais de la scène publique et le militant islamiste qui émergera une décennie plus tard. Or, avant sa disparition, l’imam Khelif laissa un testament oral particulier : le refus d’être inhumé officiellement. Dans la ville de Kairouan réputée pour son conservatisme et l’appui de Ben Youssef même si Bourguiba y avait des partisans forts comme Caïd Ladjimi, le gouverneur Amor Chéchia n’a pas hésité à s’attaquer aux puissantes familles aristocratiques telles que les Laouani et les M’rabet. La même année, il réussit le concours d'aptitude à l'enseignement et il est nommé mouderess des sciences religieuses à Kairouan. La mosquée est détruite et il faudra attendre 703, pour que le général ghassanide Hassa Ibn Numan, la … Toutes les activités urbaines étaient suspendues et la ville entière vivait au rythme de la cérémonie funèbre, en ce jour mémorable du lundi 20 février 2006. Histoire - La Grande Mosquée de Kairouan (arabe : الجامع الكبير بالقيروان), également appelée mosquée Oqba Ibn Nafi (arabe : جامع عقبة بن نافع) en souvenir de son fondateur, est l’une des principales mosquées de Tunisie située à Kairouan qui est parfois considérée comme la quatrième ville sainte de l’islam. 14La Grande Mosquée de Kairouan est réputée pour avoir été un « phare du savoir » (manarat ‘ilm) musulman au Maghreb. !Contenu très riche. 75L’on renoue là avec l’imaginaire religieux dans lequel les anges, les saints et les hommes vertueux sont enveloppés d’une lumière divine radieuse. Le dernier savant kairouanais est probablement Mohamed ben Mohamed Salah al-Joudi (1862-1943), auteur d’une histoire des qadhis de la ville, finement analysée par Jacques Berque, et d’un dictionnaire biographique de ses savants et de ses saints, encore inédit. Le cortège populaire constituait la revanche de la société locale sur l’État centralisé alors que le cortège officiel était la domestication par le pouvoir de la société locale. 70La dépouille, couverte du drap vert de la sainteté, était transportée, comme autrefois, sur une civière en bois que les fidèles portaient sur les épaules en se relayant dans un mouvement de contact et de soutien entre les vivants et le mort. Galerie devant la salle de prière de la mosquée Nom local الجامع الكبير ب Sa mih’na ou épreuve subie du temps de Bourguiba en a fait un héros et un symbole de l’islam protestataire tunisien. Le cortège funèbre était composé ce jour-là de plusieurs milliers de personnes. En effet, dès qu’il reçut la nouvelle, le 16 janvier 1961, Khelif alerta ses adeptes qui décidèrent, lors d’une réunion nocturne au sein de la Grande Mosquée, de rédiger une pétition de dénonciation et de contacter les commerçants et les artisans de la ville en vue de fermer leurs boutiques et d’organiser, le lendemain, une manifestation de protestation contre le gouverneur et de soutien à l’imam sanctionné. Le communiqué officiel publié par la presse nationale fit état de quatre personnes décédées parmi la population, d’un garde national mortellement atteint et d’un agent de police grièvement blessé. 71Tout se passait, au niveau de la théâtralisation de la mort, comme s’il y avait deux cérémonies funèbres, deux cortèges et deux corps : celui de la communauté des Musulmans ou du peuple investissant la rue dans un élan d’appropriation et d’identification avec le « héros de la foi » et celui orchestré par les représentants officiels dans une tentative de récupération ultime de « l’imam officiel de l’État». Tel sera le destin du mouvement islamiste tunisien qui émerge dans un cadre national puis s’expatrie. 17La transformation de la Zaytouna en une faculté théologique moderne résulte de la réforme de l’enseignement conduite par le ministre Mahmoud Messadi, un sadikien moderniste, syndicaliste et partisan de Bourguiba. Il en résultait deux logiques, deux cérémonies et deux corps en une seule mort. De formation religieuse de type classique, l’imam Khelif présidait régulièrement les prières du vendredi et les cérémonies religieuses, prêchait et professait, tout en rédigeant et publiant des écrits destinés aux fidèles, assurant par-là la maintenance et la reproduction de l’ordre social et moral. Avec le départ du « Cheikh des Kairouanais » et du symbole de la ville sainte et de l’islam tunisien, les fidèles se sentirent orphelins et déstabilisés par cette perte terrible. Pour la décoration il y a des panneaux de … Or, le problème provient du fait que la protestation émerge de l’intérieur de l’appareil étatique des imams et non des marges des institutions. L’abolition des habous a permis de maintenir les familles bédouines, au dépens des Mrabet lesquels, symboliquement amoindris, étaient mécontents de la nouvelle orientation politique. 72 – La figure charismatique de l’imam Khelif constitue un modèle de transition entre le savant (‘alim) qu’il ne pouvait plus être dans les années 1950 et le militant islamiste qui émerge à partir des années 1970-1980. Le minbar, utilisé par limam pour le prône, peut aussi bien être réalisé en bois comme ici, que parfois en pierre (monde ottoman et indien) ou en brique (monde iranien) ou même en pisé (Lybie). 35Á l’instar du Zaïm Bourguiba lors des événements sanglants d’avril 1938, le Cheikh Khelif ne participa pas à la manifestation mais garda son domicile situé tout près de la Grande Mosquée. Il aurait ainsi gardé « une rancune contre le régime ». 57Aussi, le procès des 138 Kairouanais ne dura que six audiences – du 19 au 24 juillet 1961 - au terme desquelles le ministère public demanda, sur la base d’un très sévère réquisitoire, la peine capitale. Toi, Tu as dit et Ton jugement est véridique : Ô Dieu, Tu es notre tuteur ; nous nous plaignons de lui auprès de Toi. Bien que la représentation figurée ne soit pas interdite dans le Coran, elle ne trouve pas sa place dans les mosquées1. Basée sur la transmission du savoir traditionnel, la mémoire islamique scripturaire était assurée jusque-là par l’enseignement zaytounien dont la Grande Mosquée de Kairouan était le relais. 44Pour salafiste qu’il ait été, l’imam Khelif prétendait incarner l’idéologie réformiste de type conservateur appuyé sur la « raison religieuse », militant pour une « évolution des institutions » et une « réforme de l’enseignement » qui intègrerait dans les programmes « la psychologie de l’éducation, les dogmes non-musulmans, les doctrines économiques, l’histoire de la colonisation, l’orientalisme, la christianisation, le sionisme et la franc-maçonnerie ». C’est le fils aîné de l’imam Khelif qui présida la prière du décès (salât al-janâza) en direction du Mihrâb de la Grande Mosquée de Kairouan. Son frère, Hammouda Saddem, titulaire du diplôme zaytounien du tatwï’ et mouderess (instituteur) à la zaouïa sahabite, demande à le remplacer par une lettre adressée au Premier Ministre Tahar Ben Ammar. Vous pouvez ajouter ce document à votre liste sauvegardée. Les principaux accusés ont été condamnés par le tribunal militaire aux travaux forcés à perpétuité ou à des peines allant de 15 à 20 ans de travaux forcés. Religion et politique étaient ainsi, dès le début, solidaires et séparées. Founded at the same time as the city of Kairouan (al-Qayrawān) by Muslim conquerors in 50 AH/670 AD, the Great Mosque (al-Jama ‘al-Kabir) is a high place of worship characterized by monumental architecture and religious prestige and history. a) le plan et les matériaux Le plan de la mosquée à la forme d'un rectangle. Au niveau de la fonction, il seconde le Cheikh Tahar Saddem mais il est très actif sur le terrain et multiplie les contacts avec les fidèles grâce à la force de son caractère, à ses origines populaires et à sa présence continuelle au sein de la Grande Mosquée où il dirige les prières et enseigne bénévolement. On trouve souvent, sur le toit des mosquées, 59Khelif, le « héros de la foi » et désormais « martyr de Kairouan », n’allait pas rester en prison et purger toute la peine. TunisiaTourismTV – La ville de Kairouan possède un fabuleux patrimoine. D’où le risque de confrontation avec le pouvoir et le recours à la violence pour imposer la domination, de l’un au détriment de l’autre. 21De son côté, l’imamat de la Grande Mosquée de Kairouan appartenait, depuis des siècles, à la famille Saddem, « une maison de savoir et de piété ». Seuls 6 acquittements ont été prononcés dans cette « Affaire de Kairouan » qui a marqué la mémoire et l’histoire de la ville. 36Au fond, sans la rébellion de janvier 1961, l’imam Khelif ne serait que l’ombre de lui-même ; tout au plus un imam zélateur dont l’activité n’aurait pas dépassé les limites de la Grande Mosquée de Kairouan. 30En 1956, l’imam Khelif est également désigné comme directeur de la branche zaytounienne de Kairouan. 83 – La répression et la récupération des manifestations politiques de la religion renforcent l’autorité de l’État. En réalité, il s’agit d’un livret co-rédigé en 1944 avec Lamjed Qodya et réédité en 1955, sous une forme radicale, en réponse à une série d’articles dirigée contre le jeûne de Ramadan, publiée dans un quotidien tunisien. ), Entrez-le si vous voulez recevoir une réponse, L`islam L`islam est la religion que pratique les musulmans. Après une courte période de négociations, la violence est devenue le langage politique des uns et des autres. Photos: Le musée Al-Kafeel expose l’une de ses collections; la grille du sanctuaire d’Aba al-Fadl al-Abbas (que la paix soit sur lui) qui a… Vidéos Rencontre du Représentant spécial des Nations Unies en Irak avec le Grand Ayatollah Sistani + Vidéo 51Le grand nombre de manifestants mécontents et la peur ressentie par les autorités locales ainsi que l’absence d’un corps intermédiaire de négociation naguère assuré par les ulémas ont ainsi concouru à l’émeute urbaine. Catalogue of 552 journals. Il a donné l'impression que vous vouliez réaliser l'Algérie française. Mais elle est aussi l'une des plus prestigieuses mosquées. mih’na) traversées par Kairouan comme celles de 1833 et 1864 au cours desquelles les Kairouanais avaient participé et appuyé des émeutiers au point d’avoir eu à payer un prix fort, sans parler des révoltes médiévales qui ont abouti à la destruction renouvelée par le pouvoir central de la muraille de la ville – plus de sept fois détruite dit la légende historique – ainsi que la punition des notables et des autres habitants. Mohamed Kerrou, « La Grande Mosquée de Kairouan  Â», Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 125 | juillet 2009, mis en ligne le 05 janvier 2012, consulté le 24 décembre 2020. L’on raconte à Kairouan que le dernier fidèle sortant de la Grande Mosquée fermait la marche de la file déjà parvenue au cimetière de Qoreish situé à 3 km. La propagande officielle adoptera cette version des faits pour affirmer, y compris du côté du procureur de la République lors du procès, qu’il ne s’agit aucunement d’une manifestation religieuse mais d’une « affaire personnelle » (qadhiya chakhsiya). Les mosquées ne sont pas décorées de statues ni de peintures représentant des personnages. 15Des familles d’ulémas – imams, muftis, qadhis, faqihs - présidaient au destin de la Grande Mosquée jusqu’à la fin du protectorat français en Tunisie. C’était du jamais vu de mémoire des Kairouanais qui, tous milieux confondus, se sentaient unis et solidaires lors de la disparition de l’imam Khelif. 27Abderrahman Khelif s’inscrit idéologiquement au sein de ce mouvement-là. La Maqsoura de l’imam, sorte d’antichambre, servait d’espace de transition entre le domestique et le public, le profane et le religieux. De son côté, l’imam Khelif incarne un type d’homme religieux intermédiaire ou transitionnel : entre le ‘alim et l’islamiste, entre l’opposant et l’officiel, entre le local et le mondial. Un tel rang symbolique fut, pour longtemps, assuré grâce au concours des dirigeants politiques et des dignitaires religieux qui ont façonné l’histoire et la mémoire de la « ville sainte » de l’Islam nord-africain. Le nœud du synopsis demeure la succession des cortèges funèbres mus, chacun, par une logique politique spécifique. 68Tous les jours, à l’heure de la prière, l’imam Khelif quittait son domicile pour se retrouver dans l’enclos communautaire et public de la Mosquée de ‘Uqba. Ali Bey, le fils du fondateur de la dynastie husséinite, leur concéda de vastes domaines agricoles sur lesquels vivaient au XXe siècle plus de trois cents familles de bédouins. Le plan de la mosquée reprend le plan de la maison de Mahomet à Médine. Il n'empêche toutefois qu'un certain nombre d'éléments se sont imposés par l'usage, même s'ils n'étaient pas obligatoires. 65En l’an 2003, Khelif consacre deux prêches contre Charfi qui seront enregistrés et diffusés à grande échelle (par qui ?) La position de l’État est le refus de la constitution d’un parti politique, sur une base religieuse. 20Les M’rabet avaient, depuis le XVIIIe siècle, la charge de gouverneur (‘amil/gaïed ou caïd) de Kairouan. Voir les 13 visites à Grande Mosquée de Kairouan sur Tripadvisor Espaces, institutions et pratiques. Les dynasties aghlabide, fatimide, ziride, hafside, mouradite et husseïnite qui ont gouverné l’ancienne Ifriqiya musulmane ont toutes contribué au maintien et à la sauvegarde de ce monument historique connu pour avoir été le foyer intellectuel où se sont distingués des savants célèbres comme le grand jurisconsulte malikite Sahnoun (777-854), le médecin Ibn al-Jazzar (898-980), l’astronome Ibn Abi al-Rijal (m. 1053), le poète Ibn Rachiq (1000-1064) et d’autres encore. 60Quant à Khelif, après avoir enseigné la littérature arabe dans les lycées de Kairouan, de Gabès et de Sousse, il fut nommé en 1968 inspecteur de l'éducation islamique des établissements secondaires. 40Khelif ne s’inscrit pas dans cette tradition qu’il connaît formellement mais plutôt dans une autre sensibilité : celle de l’imam prédicateur et du religieux politique de type organique au sens gramscien. 10L’écriture de l’histoire de la ville de Kairouan est une mise en récit des légendes qui ont auréolé la geste de la conquête musulmane de l’Afrique du Nord. 31Dans une lettre datée du 24 octobre 1960 et adressée au Secrétaire d’État à l’Intérieur, le Gouverneur signale les activités hostiles de Khelif notamment lors de son prêche (khutba) du 16 septembre 1960 où il dénonça la sortie des femmes et demanda à leurs parents de les empêcher, en se conformant aux principes de la religion, d’accéder à l’espace public. L’imam Khelif qui avait utilisé l’enseignement du Coran comme « un alibi » aurait ainsi fomenté la manifestation parce qu’il serait devenu, au moment de la réorganisation de l’enseignement en 1958, un simple instituteur alors qu’il était le directeur de la section zaytounienne de Kairouan. 25La nomination de Khelif au poste de second imam traduit l’accès d’une nouvelle génération d’hommes religieux au magistère de la Grande Mosquée et à l’autorité morale au sein de « la ville sainte » de l’Islam maghrébin. L’imam Khelif avait, en ce temps-là, mené une campagne contre la politique de Bourguiba encourageant la rupture du jeûne pour motif de lutte contre le sous-développement. Abderrahman Khelif apparaît, à l’issue de cette manifestation dont il est l’objet et l’acteur absent/présent, comme une figure populaire incarnant la volonté collective d’une société locale se sentant menacée dans sa religion et son identité. L’arrivée au cimetière de ce cortège dominé par la logique de la masse et de l’islam communautaire allait bientôt céder la place à l’ultime prière présidée par les officiels, en l’occurrence le ministre des Affaires religieuses, le Président du Conseil islamique, le Gouverneur de la ville et les autorités locales. Today, the Great Mosque of Kairouan continues to occupy a special place both within the urban area and in the imagination of the Muslim faithful. La mosquée est le lieu de culte des musulmans.L'appel du muezzin invite les fidèles à venir y prier cinq fois par jour.La prière collective se déroule sous la direction d'un religieux lettré, l' imam, choisi pour son niveau de connaissances religieuses, Le terme signifie « celui qui est devant, celui qui montre la voie ». Celui-ci a toute l’apparence (vestimentaire) du religieux alors que ses prêches sont, au-delà de l’aspect rituel et doctrinaire, éminemment politiques. C’était, en fait, la goutte d’eau qui fit déborder le vase depuis qu’une tension se fit sentir lors du mois de Ramadan de la même année. Mais, c’était compter sans l’autorité du nouveau gouverneur de la ville, Amor Chéchia, lui-aussi zaytounien mais acquis aux idées de Bourguiba et serviteur zélé du nouvel État tunisien. Cette pétition est probablement le facteur décisif de sa nomination. Si vous réservez sur Tripadvisor, vous avez jusqu'à 24 heures avant le début de la visite pour obtenir un remboursement complet si vous annulez. La question mérite d’être posée. C’est cette seconde candidature qui fut retenue et confirmée par un décret de nomination, en date du 24 janvier 1955. b) L'extérieur de la mosquée La mosquée est entourée par un mur qui est ouvert par 9 portes. Visite d'une immense mosquée qui fait partie de la médina de Kairouan, a l'époque ancienne elle s'appelait mosquée Oqba Ibn Nafi . 16En supprimant l’université zaytounienne et en délégitimant l’aristocratie politique et religieuse – tant orthodoxe que chérifienne - l’État voulait marginaliser définitivement le rôle des ulémas et leur substituer une nouvelle élite politico-administrative chargée de mettre en œuvre les réformes modernistes de Bourguiba. Par sa monumentalité architecturale et par son prestige religieux et historique, la Grande Mosquée de Kairouan occupe encore aujoud’hui une place de choix dans l’espace urbain et dans l’imaginaire des Musulmans. Première de toutes les mosquées de l’Occident musulman, elle fut construite par Okba ibn Nafi, le fondateur de la ville de Kairouan, vers 680. Il est même allé jusqu’à dire, dans ses réponses au président du Tribunal, que si le Gouverneur de Kairouan avait sollicité son intervention, il n’aurait pas hésité à apporter son concours en vue de calmer la situation. Le grand lot des lettrés citadins qui se sont engagés dans ce mouvement conservateur était formé de mouderess formés à la touna qui exerçaient également les fonctions d’imams et de prédicateurs dans les mosquées. En ce moment-là, l’État devait sévir et châtier « les fauteurs de trouble ». un autre formulaire L’imam kairouanais devient de plus en plus « citoyen du monde musulman ». Khelif était également bénévole au cours du soir à la Grande Mosquée et assurait, par intérim, l’imamat au cours des prières de la nuit et de l’aube. Le pays compte ainsi des mosquées dont une qui fait partie des plus anciennes à travers le monde musulman. Il érigea la grande mosquée de Kairouan, qui demeure l'un des plus prestigieux monuments de l'Islam. 37Khelif incarne la figure de l’imam qui ne pouvait plus être ni un ‘alim traditionnel, ni un « Savonarole de l’Islam » selon l’expression de Paul Balta utilisée pour l’imam Khomeiny. 46Le religieux et le politique sont deux dimensions constitutives du personnage public de l’imam Khelif. Il la doit également à l’influence qu’il exerce sur l’esprit des musulmans pratiquants. Seulement, en décembre 1954, le second imam prédicateur (imam khatib), Mahmoud ben Taïeb Saddem, décède. Son plan copie celui de la maison de Mahomet à Médine.. Elle comprend différentes parties : Today, the Great Mosque of Kairouan continues to occupy a special place both within the urban area and in the imagination of the Muslim faithful. 52Le mouvement de masse fut suivi d’un grand nombre d’arrestations. Le gouverneur exigea et obtint alors sa révocation en tant que second imam de la Grande Mosquée. 4C’est pour cela que l’objectif de la présente enquête est de lire l’histoire contemporaine de l’espace religieux de la Grande Mosquée de Kairouan en relation avec l’itinéraire de l’imam Khelif, afin de comprendre les logiques sociales et politiques qui ont modelé le charisme de ce personnage religieux dont la rébellion déboucha sur la répression et la récupération par l’État national. 22Mais, une autre candidature est proposée à la même période par l’autorité locale : celle de Abderrahman Khelif, titulaire du plus haut diplôme de la Zaytouna, al-calamîya (l’équivalent actuel de La Licence universitaire), et mouderess de seconde classe à la section zaytounienne de Kairouan. Les contenus de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Réunis la veille au sein de la Grande Mosquée puis le lendemain devant le domicile de l’imam Khelif alors que la ville de Kairouan était en situation d’ébullition, le groupe de fidèles attachés à l’imam s’est dirigé vers le siège de Gouvernorat pour réclamer le maintien de Khelif à son poste. Reste que depuis cette manifestation dirigée contre les représentants de l’Etat, l’imam Khelif est devenu, pour les Kairouanais, le « héros de la foi » et le symbole de résistance de la ville de Kairouan face au pouvoir politique perçu comme étant « injuste et impie ». Désormais, il contrôle le champ religieux de la ville et de la région des Zlass. La fondation d’un camp de garnison (qayrawân) obéit à un choix personnel du chef conquérant, cUqba Ibn Nafic, « l’homme aux vœux exaucés » (mustajâb al-dawâc) qui voulait en faire « un phare éternel pour l’Islam ». Soumission : Recommandations d’écriture aux auteurs. Certes, comme l’indiqua Ibn Khaldûn, le savoir s’est étiolé dans cette capitale musulmane, après la période de grandeur qui a duré en tout quatre siècles. Une partie de la production est exportée à travers tous les continents. Khelif doit cette montée dans la hiérarchie religieuse officielle au déclin de l’aristocratie urbaine et au processus de délégitimation de ce groupe qui sera miné par l’État indépendant. 18La victoire de Bourguiba, le chef charismatique qui s’est allié à la Centrale syndicale (UGTT), allait sonner le glas des yousséfistes, des conservateurs et des « féodalités ». Ils traitent des affaires de la cité et des problèmes qui interpellent les Musulmans dans le monde d’ici-bas. 56Pour l’imam Khelif, l’argument de taille était qu’il n’avait pas participé à la manifestation. 55Si les principaux acteurs dans « l’Affaire de Kairouan » sont les Cheikhs Abderrahman Khelif, Taïeb Ouertani et Mohamed Chouicha, la liste des accusés est longue puisqu’elle comporte 138 individus dont 44 en état de liberté. Le premier prônait l’autonomie interne et une alliance avec la France alors que le second exigeait l’indépendance totale. L'enceinte de la Grande Mosquée de Kairouan, dont les murs sont renforcés de contreforts de formes et de tailles différentes 91, est, de nos jours, percée de neuf portes : six ouvrant sur les portiques de la cour, deux ouvrant sur la salle de prière et une neuvième permet d'accéder à la salle de l'imam ainsi qu'à la … 12L’édifice monumental de la Grande Mosquée se caractérise par sa majesté ainsi que par la sévérité de son caractère architectural qui n’est pas sans rappeler la vocation militaire et religieuse de la ville. Les actes de violence ont transformé le visage de la ville de Kairouan devenue, l’espace d’une journée mémorable, une ville rebelle puis une ville fantôme. 45En Tunisie, Khelif exerça une influence à la fois sur l’enseignement de l’éducation religieuse par la co-rédaction de deux livres scolaires dans les années 1970 et sur les façons de penser des Kairouanais et des Tunisiens en quête de repères religieux et moraux dans une société aux structures familiales et culturelles totalement bouleversées. Si tu veux, tu peux accélérer sa punition en ce monde ; si Tu veux, Tu renvoies sa punition au Jour du Jugement Dernier ; et si Tu veux, le punir à la fois ici-bas et dans l’au-delà ». Nous vous recommandons de réserver votre visite de Grande Mosquée de Kairouan à l'avance pour vous assurer d'avoir une place. Au nord de la médina, la Grande Mosquée, ou mosquée Sidi Okba, constitue une visite incontournable. En s’attaquant à la Tradition et à ses représentants, le nouvel État ouvrait mutatis mutandis la voie à de nouveaux personnages religieux et politiques, aux attaches et aux ambitions différentes de celles de leurs prédécesseurs. Ou savez-vous comment améliorerlinterface utilisateur StudyLib? Les décorateurs ont donc eu recours à des figures géométriques répétées à l'infini et de couleurs variées. Cet islam protestataire est en rupture à la fois avec l’islam de l’État et l’islam des ulémas. Le soir, une réunion officielle des responsables du Parti néo-destourien et des organisations nationales (UGTT, UNAT, UNFT, etc.) Á sa mort, la famille du défunt a reçu les condoléances du Chef de l’État qui a rendu « hommage à son rôle dans le renforcement des fondements de l’Islam ». 94 – Les funérailles de l’imam Khelif expriment une théâtralisation de la résistance de la société face à la main-mise de l’État sur la religion et sur la sphère publique. 47Les évènements de Kairouan du mois de janvier 1961 avaient pour motif la mutation de l’imam Khelif ainsi que la provocation qu’aurait suscitée le tournage, au sein de la Grande Mosquée, d’un « remake » du « Voleur de Bagdad » par une équipe de cinéastes occidentaux autorisée par l’administration à opérer dans l’enceinte sacrée. Le Caïd de Kairouan et des Zlass, Mohamed Aziz Sakka, qui transmet la lettre au Gouvernement, donne un avis favorable. Visiter la Grande Mosquée de Kairouan. Lors du procès, ses avocats ainsi que ceux de Khelif plaideront non-coupables sur la base de ce passé nationaliste et de la réputation des deux Cheikhs à Kairouan. 54Le politique et le religieux constituent, en Tunisie contemporaine, des questions taboues car ils sont le domaine réservé du Prince et de l’État. Il a donné l'impression que vous vouliez réaliser l'Algérie française. L’émergence de l’acteur femmes, en position subalterne et non centrale, tient à la fois de la logique identitaire et de la logique islamiste d’investissement de l’espace public par le biais du hijâb dont la diffusion fulgurante, ces dernières années, est combattue par les autorités tunisiennes. 66« Sidi mât…Sidî mât ! » (« Notre Maïtre est mort…Notre Maître est mort » !). L’itinéraire de cet homme de religion aspirant à une carrière politique en vue de « promouvoir la vertu et combattre le vice » (al-amr bi-l-m’arûf wa-l-nahay ‘alâ al-munkar) sera totalement réorienté avec le changement du 7 novembre 1987 qui déposa Bourguiba. Le refus de funérailles officielles imposait une cérémonie à la fois familiale et communautaire ou populaire. En 990 , le souverain ziride Mansour ibn Bologhine fait construire la coupole bichrome du bahou , au-dessus de l'entrée de la salle de prière donnant sur la cour [ 7 ] . L’ironie de l’histoire a voulu que son rival, le fameux gouverneur de Kairouan, connu pour son « immoralisme » et son autoritarisme, sera à son tour mis en prison par Bourguiba pour « abus de confiance », suite à l’échec de la politique des coopératives en 1969.